La Sécession à Vienne
Dans toute l'Europe, les progrès techniques et les transformations économiques, amorcés déjà dans la première moitié du 19ème siècle, s'amplifient à partir de 1850. Cet essort économique provoque l'agrandissement des capitales européennes. En 1857, l'empereur François-Joseph Ier donne l'ordre de démolir les remparts de la vieille ville et d'aménager un boulevard prestigieux : le Ring.
Ringstrasse (c) TripAdvisor
En quelques décennies, de nombreux bâtiments sont élevés de part et d'autre de cette artère. Les styles de ces édifices sont d'inspiration gothique, Renaissance, baroque.
L'université sur la Ringstrasse de style néo-Renaissance. (c) TripAdvisor
Ce conformisme vis à vis des styles anciens, encouragé par les autorités de la ville, finira par exaspérer la jeune génération d'architectes et de plasticiens viennois. Le chef de file de la contestation est le peintre Gustav Klimt qui s'était vu confier la décoration des nouveaux palais du Ring, dans les années 1880 - 1890.
En 1886, l'Université lui commande trois peintures allégoriques - la Philosophie, La Médecine, La Jurisprudence - pour décorer le hall d'accueil. Elles seront refusées car jugées outrageantes pour les bonnes moeurs de l'époque.
En 1897, il fonde avec quelques amis, Josef Olbrich, Josef Hoffmann, une association nommée Secessionsstil ("le style de la Secession") et une revue Ver Sacrum ("Printemps sacré"). Dans son premier numéro, le critique littéraire Hermann Bahr donne l'esprit du mouvement : "Notre art n’est pas un combat des artistes modernes contre les anciens, mais la promotion des arts contre les colporteurs qui se font passer pour des artistes et qui ont un intérêt commercial à ne pas laisser l’art s’épanouir. Le commerce ou l’art, tel est l’enjeu de notre Sécession. Il ne s’agit pas d’un débat esthétique, mais d’une confrontation entre deux états d’esprit."
Ce mouvement artistique est contemporain du Jugendstil allemand, du Modern Style anglais, du Stile Liberty italien et de l'Art nouveau français.
Le style "Sécession" se caractérise par :
- des formes organiques et la représentation de thèmes comme les poissons, les oiseaux et la végétation ;
- des compositions florales stylisées ;
- une abondance de courbes ;
- une forte relation entre le texte (quand il est présent dans l'oeuvre) et l’image ;
- une absence de perspective afin de suggérer une intemporalité.
En 1898, Josef Olbrich construit au bord du Ring, près de la Karlsplatz, un pavillon d'exposition couronnée de feuilles de laurier dorées. Au frontispice, il fit écrire la devise de l'association que l'on peut traduire en français par "A chaque siècle son art, à l'art sa liberté".
Pallas Athéna - Gustav Klimt - (c) Wikimedia Commons
De nombreuses expositions y furent organisés, ouvertes aux autres mouvements artistiques qui apparaissent un peu partout en Europe. A l'occasion de la deuxième exposition, il peint le célèbre tableau Pallas Athéna. Sous un mode ironique, il détourne la représentation traditionnelle du sujet en montrant sous le visage de la déesse aux traits d'une femme fatale une gorgone tirant la langue.
Un certain nombre de tableaux peints par Gustav Klimt sont exposés dans la galerie d'art du Belevédère supérieur.
Judith (1901) - Gustav Klimt - (c) Wikimedia Commons
Le baiser (1908) - Gustav Klimt - (c) Wikimedia Commons
Cependant, ces artistes ne sont pas les seuls à vouloir sortir Vienne de son conformisme. Otto Wagner - sans doute l'architecte le plus éminent de Vienne - entame aussi une rupture artistique à partir des années 1890.
En 1894, il construit au numéro 11 du Graben contrastant avec le style baroque qui prédominait alors dans cette place. L'édifice a été surnommé Ankerhaus, en raison du nom de la campagnie d'assurance Der Anker qui possèdait alors le bâtiment d'origine.
En 1899, il édifie deux pavillons permettant l'accès à la station de métro de la Karlplatz. Ils font partie du partie du vaste projet d'aménagement du réseau ferré de la ville qui lui avait été confié. Les stations avaient été conçues pour se fondre dans leur environnement architectural, quel qu'il soit. Proximité du pavillon de la Sécession oblige, le style est résolument Sécessioniste avec son exubérance tout en dorures. Les plans ont été réalisés par lui-même et Josef Olbrich.
En 1901, il dresse les plans d'une église d'inspiration byzantine, la Leopoldskirche, pour le Steinhof, asile psychiatrique de la banlieue viennoise.
Leopoldkirsche (1903 - 1907), façade - (c) Doris Anthony, Wikimedia Commons
Elle illustre l'évolution d'Otto Wagner par rapport au style Sécession; au fil des ans l'architecte accorde moins d'importance aux aspects décoratifs pour se concentrer sur les éléments fonctionnels.
Leopoldkirsche (1903-1907), interieur - (c) Jorge Royan, Wikimedia Commons
C'est ainsi que les surfaces ne présentent pas d'arêtes vives susceptibles de blesser les malades, le sol est incliné afin de faciliter le nettoyage, les bénitiers ont été conçus pour éviter les risques de contagion.
Leopoldkirsche : vitraux réalisés par Koloman Moser - (c) Andrea Schaufler, Wikimedia Commons
A partir de 1903, des scissions apparaissent dans l'association. Koloman Moser et Josef Hoffmann créent une nouvelle association, Wiener Werkstatte ("Atelier Viennois") afin de promouvoir les arts appliqués. A l'instar du mouvement britanique "Arts & Crafts", les "WW" cherchent à rapprocher artistes et artisans.
Josef Hoffmann - Chaise (1905) - (c) Proantic.com
A partir de 1906, des artistes comme le peintre Egon Schiele et l'architecte Adolf Loos commencent à se démarquer des conceptions esthétiques de la Sécession.
Sur le Graben, il y a deux réalisations d'Adolf Loos correspondant à sa période Sécession.
Le Magasin Knize au numéro 13 du Graben
Les toilettes publiques (1905)
En 1908, Loos publie un essai "Ornement et crime" où il condamne les excès décoratifs et défend le principe du dépouillement intégral dans l'architecture contemporaine.
Looshaus - Alexander Mayrhofer (c) Wikimedia
La Looshaus (1911) édifiée au numéro 3 de la Michaelplatz (en face du Hofburg) pour la société Goldman & Salatsch est une mise en application de ce principe.
Egon Schiele - Autoportrait avec lanterne chinoise et fruits - (c) AllPoster.com
Concernant Egon Schiele, on peut regarder le tableau intitulé "La jeune fille et la Mort", peint en 1915, qui se trouve dans la galerie d'art du Belevédère supérieur.
La jeune fille et la Mort - Egon Schiele - (c) @rt Galerie
Entre les numéros 10 et 11 de la place Hoher Markt se trouve un pont qui abrite l'horloge dite Ankeruhr du nom de la compagnie d'assurance Anker qui habitait l'immeuble. Elle a été réalisé en 1913 sur la base des plans dessinés par Franz von Matsch, peintre sculpteur. C'était un ami d'école de Gustav Klimt sans pour autant être toujours en phase avec lui sur le plan artistique, von Matsch étant moins provocateur et plus influencé par l'Art nouveau.
La popularité de l'oeuvre vient de douze figurines représentant des personnages appartenant à l'histoire autrichienne qui défilent lentement toute la journée et paradent tous ensemble à midi sur un fond musical.